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Vers la Lune! | “Voyager et faire des choses qui n’ont jamais été faites auparavant, voilà à quoi il sert de vivre.“

Michaël Collins dans Premiers sur la lune.

On voudrait pouvoir envier Michael Collins, un des trois astronautes de la mission lunaire "Apollo 11", pour les connaissances qu’il a acquises, quand l’humanité cherche - sans jamais le trouver- le "Sens de la vie". Mais l’Homme est-il seulement destiné à se rendre sur la Lune, pour s’approcher d’un tel mythe? Nous laissons cette question ouverte, pour l’heure, car notre propos n’est pas là. Ce dont nous sommes sûr par contre, c’est que Collins est le seul des trois voyageurs vers la Lune à ne pas y avoir posé le pied! et que notre satellite constitue depuis la nuit des temps la matière d’une réflexion féconde alimentant l’inconscient et l’imaginaire collectif. On est frappé par la quantité d’ouvrages dont elle est l’héroïne, traitée comme objet de recherche scientifique, comme motif littéraire et terreau idéal de projections utopiques. La Lune semble être depuis toujours la destination la plus rêvée par l’humanité.
A l’occasion de sa première production professionnelle, FRAKT’ va examiner cette irrépressible attraction, "Vers la Lune!".

Qu'est-ce que l'Homme espère d'un alunissage? Quelles motivations -quelquefois très terrestres- se cachent derrière ce souhait si ancien? La mission lunaire de 1969 a-t-elle vraiment contribué à lever le mystère sur ce corps céleste? Que signifie l'intention du Président américain de lancer un nouveau projet lunaire pour l'an 2020?

Voilà le type de questions que nous allons nous poser dans le cadre de notre travail. Nous nous appuierons également sur un matériau textuel constitué de trois oeuvres littéraires très distinctes ayant cependant une chose en commun: Un voyage extraordinaire vers la Lune.


La matière première et nos options de traitement
| “De Cyrano jusqu'à Neil Armstrong"

Nous avons donc choisi 3 oeuvres dont deux romans: "Voyage dans la lune" de Cyrano de Bergerac (1648) et "De la terre à la lune/Autour de la lune" de Jules Verne (1865/69) ainsi que le rapport de la mission lunaire "Premiers sur la lune ” de Neil Armstrong, Edwin E. Aldrin et Michael Collins.
Or, l’adaptation de ces ouvrages pour la scène ne nous intéresse pas. Nous allons les utiliser comme la matière première d'improvisations scéniques et musicales. À partir de motifs extraits de ces trois oeuvres, nous envisageons de développer une structure dramaturgique propre à notre spectacle créant un espace privilégié pour les associations et l’imagination du spectateur, dépassant l’idée d'ébauche linéaire de cette matière première.

Il est relativement aisé de catégoriser par genre les trois oeuvres choisies: Cyrano a écrit une satire mordante sur la société de son époque, Jules Verne propose un roman "d'éducation et de récréation" doté d’un incroyable sens prophétique enfin avec "Premiers sur la lune" on a un témoignage à trois voix, truffé d'informations scientifiques vulgarisées. Voilà les clichés. Ce qui nous intéresse plus particulièrement dans ces trois oeuvres, au-delà de la diversité stylistique qu’elles offrent, c’est leurs points communs. En orientant notre regard sur ces textes d'un point de vue contemporain, on obtient une image qui rend ténue les limites entre les différentes époques, entre le roman et le témoignage ainsi qu’entre la fiction et la science.

Réalité et fiction | “Retour en 1969"

Revenons en 1969 avec le débarquement sur la Lune. Cet épisode de l’histoire de l’Humanité ne flotte-t-il pas quelque part entre vérité et fiction ? De nos jours encore, le bruit court que cet événement -qui fut le premier Event diffusé en direct et dans le monde entier à la télévision- aurait été mis en scène de toute pièce, avec pour toile de fond, le désert du Nevada. En outre, il faut bien admettre que c’est moins le bénéfice scientifique de la mission "Apollo 11" que son énorme valeur symbolique, manifestation de l'hégémonie interstellaire des U.S.A. qui reste en mémoire. De ce point de vue, l’expédition lunaire de 1969 ne constitue pas moins une satire politique que par exemple, le roman de Cyrano de Bergerac.
Quand aux rapports entre l’aventure des trois "astronautes" du roman de Jules Verne et la véritable (?) mission lunaire, ils sont évidents et ont souvent été décrits. Pourtant, on ne sera peut-être jamais en mesure de savoir laquelle de ces deux missions a bénéficié des fondements scientifiques les plus solides ni laquelle des deux a été la plus fictive.

Armstrong, Aldrin et Collins dressent un passionnant tableau de moeurs de la bourgeoisie américaine des années 1960 en évoquant sans détour la fierté patriotique qu’ils éprouvent pour la mission "Apollo 11" et en décrivant avec force détail les occupations de leurs épouses fidèles (leurs tâches ménagères, les repas entre amis, etc.), alors qu’eux-mêmes sont en pleine excursion spatiale !

Jules Verne quand à lui, ironise entre les lignes sur la foi dans le progrès de ses contemporains. Enfin Cyrano de Bergerac tente, au travers de sa " société lunaire", de mettre en lumière les règles de la bienséance dans ce qu’elles ont de plus contradictoire avec celles qui avaient cours de son temps, pour mieux les réduire à leur absurdité. Dans le même ordre d’idée, notre travail consistera à mettre en évidence les liens entre nos trois textes de départ, à sonder les interfaces et les ruptures entre réalité et fiction pour tisser la trame dramaturgique de notre propre expédition lunaire. La vérité et l'imagination, deux concepts qui se compléteront, seront en contraste ou en contradiction, laissant ainsi voir leurs fondements et l’approche que notre société en a.


La mise en scène | Parti pris fondamentaux

Malgré ce travail intensif sur les textes, notre spectacle ne sera pas textocentriste. C'est-à-dire que nous ne commencerons pas les répétitions avec un texte dramatique intégral. Nous nous appuierons sur les trois œuvres pour créer des images, des motifs, des sons etc. qui constitueront le point de départ d’ improvisations scéniques et musicales que nous développerons et concrétiserons petit à petit jusqu’à former un objet “spectaculaire”, un Evénement Performatif. Par souci de cohérence, compte tenu du matériau choisi, de sa résonance et de notre façon de travailler, nous n’élaborerons pas une structure narrative linéaire dite réaliste. Pour nous, le corps, la voix, la musique, le texte, l'espace etc., en tant que composantes d'un Evénement Performatif, sont des partenaires équivalents qui entrent en dialogue et en friction. Pendant les répétitions, nous développerons ces composantes isolément mais aussi leur structure globale et les rapports entre elles. Ce processus ouvert doit nous permettre d’être en recherche théâtrale permanente et de vérifier notre travail théorique et pratique, avant de faire les choix définitifs du déroulement du spectacle.

Nous projetons de créer un collage, composé d’images de sons et de mouvements. La dramaturgie qui en résultera mettant en résonance le potentiel poétique de ces divers matériaux, devrait permettre au spectateur de faire ses propres associations et de stimuler sa fantaisie.
Au travers de situations données, nous aimerions également amener le spectateur à se confronter à des problèmes d’ordre terrestre, quand il a trop souvent tendance à se déresponsabiliser en les évitant et en rêvant de s’en débarrasser en les envoyant (ou en s’envoyant soi-même) sur la lune !


La crise des valeurs | “Die kodifizierte Welt, in der wir leben, bedeutet nicht mehr Prozesse, ein Werden, sie erzählt keine Geschichten, und in ihr leben bedeutet nicht handeln. Dass sie das nicht mehr bedeutet, nennt man die 'Krise der Werte'."

Vilém Flusser dans "Medienkultur"

Il nous semble très important de nous positionner face à la "crise des valeurs", en utilisant le média théâtral. Ce n’est qu’en cherchant et en utilisant des moyens d'expression correspondants à nos modes de vie et à notre perception de la Crise que l’on peut donner au spectateur la possibilité de la concevoir et par conséquent de l’éprouver. Peut-être même d’en faire un sujet de réflexion personnelle...
Concrètement dans notre travail, cela implique par exemple de renoncer à une structure narrative linéaire ainsi qu’à l'intégrité des Rôles dramatiques. Les comédiens ne devront pas donner l'illusion qu'ils sont quelqu'un d'autre, un personnage cohérent avec un caractère défini. Ils examineront avec leurs propres possibilités et moyens d'expression, des images et des interactions entre différents individus (fictifs ou historiques). Dès lors, nous n’utiliserons plus le terme de comédiens mais d’”interagissants”.

Ces interagissants sont des artistes autonomes c'est-à-dire qu’ils ne sont pas soumis au diktat d'une histoire qu'ils doivent raconter, ou d'un rôle qu'ils doivent interpréter et incarner au cours d’une soirée. Pour le spectateur, ils ne sont pas l’objet d’une identification émotionnelle mais ils donnent à voir des images, des passions, des situations. Du théâtre pédagogique brechtien, donc? Pas du tout. Avec nos moyens, nous ne voulons ni ne pouvons postuler des certitudes politiques ou éduquer qui que ce soit. Si nous parvenons à faire vibrer ensemble l’imaginaire, le coeur et la raison des spectateurs, nous aurons déjà fait énormément.

Cette approche du travail théâtral implique de répéter sans metteur en scène attitré. Dans cette optique toujours, les Rôles (personnages fictionnels ou historiques) deviennent interchangeables. Nous appliquerons la même idée aux fonctions "metteur en scène", "comédien", etc.

Ainsi, au cours du travail, chacun d’entre nous pourra à tout moment prendre le rôle du metteur en scène. Ce système d’autogestion (hiérarchie non pyramidale) augmentera d'ailleurs les possibilités de vérifier la qualité du travail : tant qu’un interagissant n’est pas convaincu par une solution scénique, on admet que ce choix n'est pas encore le bon et qu'il faut rechercher encore, ailleurs. En complément, nous consulterons des personnes extérieures pour assurer un regard imprévu sur notre travail, à diverses phases du processus de création.


Utopies

Une autre notion très importante dans notre travail est celle de l'utopie. Dans les années 1990, après la chute du Rideau de Fer, avec l’émergence de la "Crise des valeurs" (que nous évoquions plus haut) dans la conscience publique et avec l’arrivée du Post-modernisme, beaucoup d'écrivains ont proclamé "la fin de l'Histoire" et "la mort du socialisme", dernière grande utopie de la société. Pourtant, aujourd'hui, les utopies ainsi que la notion même de renaissance persistent.

En Suisse, par exemple, le Conseiller Fédéral Leuenberger, en présentant les plans d’une gare dans le tunnel du Gothard, parle de "vision hardie" qui "enfin" deviendra réalité. La société allemande quand à elle est en train de redécouvrir la force utopique de notions historiquement corrompues comme le "peuple" et la "nation". En outre, les religions prennent un rôle de plus en plus significatif en ce 21ème siècle, c’est une évolution inattendue. Les représentants de la société et du monde politique interprètent ce type de tendances comme une «relecture des valeurs traditionnelles».

Nous essaierons de questionner cette renaissance des utopies en nous appuyant sur des motifs classiques de la littérature utopique comme le voyage sur la lune et la société sélénite (laquelle est souvent décrite comme une alternative aux conditions de vie terrestres).


Traductions

Dans "Vers la Lune!", nous travaillerons en plusieurs langues, conformément à l'origine des participants. La rencontre de l'allemand et du français (et peut-être d'autres langues), mais aussi les différentes façons de penser, de bouger, voire même d’appréhender le théâtre, découlant des différentes origines et formations, permettront une émulation féconde. Nous sommes particulièrement intéressés par l’idée de la traduction: A l'aide de divers éléments comme la traduction et la retraduction, le pastiche, le malentendu, les analogies sonores et physiques, nous désirons sonder les possibilités de développer une nouvelle dimension linguistique au-delà des codes sémantiques et d’une structure logique. Cela pourrait même mener à l'invention d'une langue propre à ce spectacle.
Par ce procédé plurilingue, nous examinerons le potentiel artistique du contexte dans lequel s’inscrit notre lieu de production, la ville de Bienne et, au sens large, la Suisse. Nous observons que cette approche est trop souvent négligée. La coexistence de différentes cultures dans un espace aussi petit que la Suisse est une chance à saisir et représente pour nous une vraie possibilité de défi. Cela dit, les problèmes liés à cette diversité culturelle (le "röstigraben" par exemple) ne sont pas notre propos.


Médias, médialité et science-fiction

Nous sommes d'avis qu'aujourd'hui, on ne peut plus parler d'une seule réalité. Elles sont nombreuses qui nous affectent parallèlement à travers différentes voies de communication et constituent autant de degrés de perception supplémentaires à rajouter à la réalité immédiate. Pour arriver à condenser ces réalités multiples dans le cadre de notre travail artistique, il nous semble nécessaire d'utiliser ces différents canaux médiatiques.

C’est pourquoi nous utiliserons des médias électroniques sur scène qui porteront nos options de travail (l’univers de la science-fiction, des images prédéterminées, diverses thématiques). Par le jeu «organique » des interagissants nous examinerons les couches plus profondes des passions et motivations humaines qui sous-tendent cet univers de science-fiction.

Simon Baumann travaillera avec des éléments sonores et peut-être visuels, n'utilisant les projections vidéo que si cela se justifie et non pour répondre à un effet de mode. Ses sources d'inspiration seront surtout des films de science-fiction historiques ("Voyage dans la lune" de Geroges Melies, 1902, "2001: A Space Odyssey" de Stanley Kubrick, 1968, pour n’en citer que deux) ainsi que leurs bandes sonores. Des morceaux choisis et des citations tirées de ces œuvres constitueront avec des compositions originales, la colonne vertébrale du travail.

Pourtant, les divers médias ne serviront pas de "garniture" ou d'illustration de ce qui se passe sur scène. Ils posséderont une autonomie, soulignée par notre effort de les employer en direct.
Nous juxtaposerons des disciplines techniques (médias électroniques) et naturelles (jeu), afin d’atteindre une interdépendance conforme aux modes de perception et aux conditions de vie d'aujourd'hui.